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La mobilisation de la jeunesse en Suisse pour la défense des droits humains en Palestine

17 juin 2024

Raquel Vidal Remis


En tant que jeune en Suisse, alumni de l’Université de Genève en Relations internationales puis en Géographie Politique et Culturelle, et personne engagée pour les droits humains, j’ai suivi avec admiration et respect l’expression de solidarité de la jeunesse suisse de ces derniers mois, en particulier celle des étudiant·e·x·s envers la population palestinienne à Gaza.

En effet, ayant débuté à la mi-avril 2024, le mouvement des coordinations étudiantes pour la Palestine en Suisse, inspiré par celui des campus américains, illustre l’engagement des jeunes et des étudiant·e·x·s en faveur des droits humains et de la justice sociale. Les actions mises en place dans les universités et hautes écoles suisses signalent un engagement fort de la jeunesse en faveur des droits humains et de la solidarité avec le peuple palestinien. Elles se caractérisent notamment par leur présence dans de nombreuses institutions académiques renommées en Suisse telles que l’Université de Genève (UNIGE), de Lausanne (UNIL), de Zurich (UZH) et de Berne (UNIBE). Ces diverses formes d’engagement mettent en lumière les enjeux cruciaux entourant la situation en Palestine, notamment à Gaza.

La majorité de ces jeunes engagé·e·x·s et solidaires ne sont pas Palestinien·ne·x·s et pourtant ielxs s’efforcent de mettre au centre de leurs revendications et de leurs activités les voix palestiniennes directement concernées. Le travail apolitique des coordinations étudiantes pour la Palestine, centré sur la sensibilisation et les droits humains, vise à susciter une plus grande prise de conscience et un soutien accru pour la cause palestinienne au sein de la communauté académique suisse et de la société en général en appelant à une action internationale pour garantir la justice et le respect des droits fondamentaux. À travers des revendications variées, allant de la solidarité avec le peuple palestinien à la condamnation de l’occupation israélienne et des violations des droits humains, ces mouvements étudiants s’efforcent de promouvoir la justice, la cessation de l’apartheid en Palestine et le cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Les activités organisées comprennent des conférences, des projections de films, des expositions artistiques, des manifestations, des ateliers éducatifs avec comme objectif de faire entendre la voix des Palestinien·ne·x·s et de dénoncer les injustices qu’ielxs subissent.

L’engagement des étudiant·e·x·s en Suisse et dans le monde a eu plusieurs impacts significatifs. Il se manifeste notamment par une importante sensibilisation du public quant aux violations des droits humains commises par Israël. Cette sensibilisation s’est réalisée grâce à la forte couverture médiatique et présence sur les réseaux sociaux, au renforcement de la solidarité avec la communauté palestinienne, à l’alimentation des débats publics sur la politique étrangère de la Suisse et son rôle dans la promotion des droits humains à l’international, ainsi qu’à la prise de position des administrations universitaires sur la question palestinienne. Le fort engagement de notre génération envers la défense des droits humains résonne chez beaucoup de personnes aux nationalités, religions et origines variées.

A titre personnel, je trouve très touchant de voir la solidarité des jeunes envers la population palestinienne à une aussi grande échelle, dans le monde ainsi qu’en Suisse. Ces dernières années, j’ai remarqué une augmentation du nombre de jeunes qui ont été sensibilisé·e·x·s aux violations des droits humains commises en Israël et en Palestine à travers leurs études, les médias et le travail des organisations de la société civile. En 2019, lorsque j’ai eu l’honneur d’être sélectionnée par l’ONG BADIL1 pour participer à un cours, en Palestine, de mobilisation internationale pour les droits fondamentaux du peuple palestinien, la solidarité internationale chez les jeunes était encore à renforcer. J’avais décidé de postuler à ce cours, destiné à des défenseur·e·x·s des droits humains venant du monde entier, dans le but d’en apprendre davantage sur comment encourager une solidarité internationale qui soit informée, stratégique, efficace et cohérente avec la cause palestinienne en se basant sur le droit international humanitaire et les droits humains. Le programme de cette formation de 10 jours incluait des conférences données par des expert·e·x·s palestinien·ne·x·s et internationaux·ales, des discussions de groupe ainsi que des visites sur le terrain des deux côtés de la ligne verte. Nous avons notamment eu l’occasion de visiter des camps de réfugiés comme Dheisheh ou Aida à Bethlehem, des villages palestiniens menacés de déplacement en Cisjordanie comme ceux vers les colonies israéliennes du Etzion Colonial Bloc ou encore à Hébron, Jérusalem, Haifa, Nazareth afin de pouvoir témoigner des violations des droits humains et des crimes commis par Israël. Les discussions et échanges avec la population locale, notamment avec la jeunesse palestinienne, étaient la partie centrale de ce cours et nous a réellement permis de comprendre l’importance de concentrer notre engagement sur l’amplification des voix de celles et ceux qui sont directement concerné·e·x·s par ces violations.

Depuis plusieurs mois, la jeunesse internationale a réussi, en mettant en lumière la complicité des institutions et en appelant à la solidarité internationale, à sensibiliser le large public sur la situation en Palestine et à encourager la prise de responsabilité et l’action face aux violations des droits humains qui sont commises par l’Etat d’Israël. Ce dernier a été accusé, tout comme le Hamas, de crimes de guerre par des enquêteur·rice·x·s indépendant·e·x·s de l’ONU dans un rapport publié le 12 juin dernier. Dans ce document, les autorités israéliennes sont également rendues responsables de crimes contre l’humanité commis au cours des opérations militaires et des attaques menées dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023 parmi lesquels figure le crime contre l’humanité d’extermination et celui d’actes de torture et de traitements inhumains et cruels2.

A travers toute la Suisse, les étudiant·e·x·s ont également réussi à attirer l’attention sur les violations des droits humains commises en Palestine et à mobiliser un soutien accru envers la population à travers une organisation collective pacifique exemplaire. Ces efforts montrent la force de notre démocratie, qui permet à des collectifs étudiants contestataires de s’exprimer et de s’engager dans la défense des droits humains universels. Toutefois, ils dévoilent aussi ses failles et marges d’amélioration. A Genève par exemple, le dialogue entre l’administration universitaire et la coordination étudiante pour la Palestine (CEP) s’est avéré difficile et les revendications n’ont été que partiellement entendues. Le rectorat de l’Université de Genève s’est positionné, le 20 mai dernier, sur la “guerre Israël – Hamas” en soutenant “les appels des organisations internationales humanitaires tendant à la libération des otages et à un cessez-le-feu afin d’éviter une catastrophe humanitairemais n’a pas suspendu ses collaborations avec des universités et instituts de recherche israéliens, une des demandes principales de la CEP.

En définitive, les mouvements étudiants engagés pour la Palestine à travers la Suisse ont démontré ces derniers mois qu’il est possible d’avoir un impact concret sur nos institutions en faisant entendre notre voix, celle de la jeunesse. Cette mobilisation défend les causes humanitaires de manière inclusive, respectueuse et basée sur les principes des droits humains dans un contexte international et national particulièrement polarisé sur la situation actuelle en Palestine et en Israël. Et ce regain d’espoir fait du bien. 


  1. BADIL Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights ↩︎
  2. Israël et le Hamas accusés de crimes de guerre, par des enquêteurs indépendants de l’ONU | ONU Info (un.org) ↩︎

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