
Faire entendre la voix des jeunes pour la justice régionale
Retour sur un plaidoyer audacieux mené au Forum des ONG de la CADHP
par Vania Dossou, Romuald Elysée Gbaguidi et François d’Assise Gbemenou.
« Ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir d’agir. »
Albert Einstein
Du 28 avril au 3 mai 2025, nous avons eu la chance de participer au Forum des ONG organisé à Banjul, en marge de la 83e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP). Ce forum, réunissant à chaque session de la Commission de nombreuses organisations de la société civile venues de toute l’Afrique, est un espace d’échange, de réflexion et de concertation stratégique. Il permet à la société civile de discuter des grandes problématiques de l’Afrique en matière de droits humains, de faire entendre ses préoccupations et, surtout, de formuler des recommandations collectives qui seront ensuite soumises officiellement à la CADHP. Le Forum des ONG joue un rôle de passerelle en permettant à la société civile d’interagir avec les mécanismes régionaux de promotion et de protection des droits humains en Afrique.
Nous y avons représenté nos organisations Amnesty International Bénin, la Fondation Vissin et Franciscains Bénin, grâce au soutien précieux du Codap. En effet, la bourse de plaidoyer reçue en 2025 nous a permis de vivre une expérience formatrice, inspirante et profondément humaine. Jeunes béninois·e·s engagé·e·s pour la défense des droits humains, nous portons un plaidoyer clair : appeler à la réintégration de notre pays à la Déclaration 34(6) qui permet aux citoyen·ne·x·s africain·e·x·s de saisir directement la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Avant notre départ pour Banjul, nous étions animé·e·s par le désir d’apprendre, de nous exprimer et de contribuer à un combat plus large pour la justice régionale. Nous savions que notre statut de « jeunes » ne jouerait pas en notre faveur. Pourtant, nous étions déterminé·e·s à faire entendre notre voix.
Nous avons mené un plaidoyer « de couloir » structuré, tissé des alliances solides avec d’autres défenseur·se·x·s venu·e·x·s de divers pays du contient, et pris part activement aux travaux de groupes formulant les recommandations adressées à la CADHP. Chaque instant était une opportunité d’argumenter, de convaincre, de rallier d’autres acteur·rice·x·s à notre cause. Nous avons affronté plusieurs défis : barrière linguistique, temps de parole limité et, évidemment, la nécessité de nous imposer malgré notre jeune âge. Il a fallu oser prendre la parole, s’affirmer et insister. Mais, notre foi en la justesse de notre combat nous a porté·e·s. Lors des restitutions finales, l’une d’entre nous a pris la parole avec courage pour défendre l’inclusion de notre recommandation. Ce moment fut décisif. Notre proposition a été retenue et lue publiquement à la tribune de la CADHP. A travers cette victoire symbolique mais forte, nous avons compris que l’influence ne dépend pas uniquement du statut ou de l’expérience, mais bien de la préparation, de la stratégie et de la détermination.
Cette expérience à Banjul a été bien plus qu’une action de plaidoyer : elle a été une école de leadership, d’analyse, de réflexion et de solidarité panafricaine. Nous avons appris à porter une cause commune dans un espace diplomatique, à naviguer dans des dynamiques institutionnelles complexes, et à renforcer nos compétences en communication et en stratégie de plaidoyer. Grâce à l’accompagnement du Codap, notamment à travers notre participation à la formation CAPI en 2024, nous avons été outillé·e·s pour affronter les défis du plaidoyer régional.
De retour au Bénin, nous avons lancé une campagne digitale en 10 épisodes afin de sensibiliser les citoyen·ne·x·s à l’importance de la Déclaration 34(6) et au rôle de la Cour africaine dans l’accès à la justice. Le 14 juin 2025, nous avons organisé un panel à la Bibliothèque Bénin Excellence d’Abomey-Calavi, réunissant juristes, organisations de la société civile, journalistes et grand public autour d’un dialogue ouvert et éclairé sur l’avenir des droits humains dans notre pays.
Comme le disait Thomas Sankara : « Les droits ne se mendient pas, ils s’arrachent. »
Cette aventure militante a renforcé notre conviction que la jeunesse africaine peut influencer le cours des choses si elle est formée, soutenue et outillée pour le faire. Nous sommes reparti·e·s du Forum des ONG avec une conscience aiguisée de notre rôle en tant que jeunes acteur·rice·s du changement. Nous remercions chaleureusement le Codap pour son accompagnement, ainsi que nos structures respectives qui nous ont permis de vivre cette expérience unique. Nous continuerons à agir, à mobiliser, à plaider, convaincu·e·s que c’est par l’action collective que nous bâtirons une société plus juste, au Bénin comme en Afrique, pour que les droits humains ne soient plus un vœu pieux mais une réalité pour chaque personne.

François d’Assise Gbemenou, Vania Dossou et Romuald Elysée Gbaguidi lors de leur séjour à Banjul.