Autour de l’engagement des autochtones Amazighs
Article rédigé par Hicham El-Mastouri – Afulay, alumni du Codap
L’autochtonie est un acte de résistance. Pour moi, en tant qu’Amazigh, et probablement pour tous les autres autochtones du monde, le plaidoyer commence dès la naissance. Cependant, la découverte du système international des droits humains n’a commencé qu’avec ma participation à une formation dispensée par le Codap. Grâce à cette formation, je suis entré dans le monde de la Genève internationale et depuis, j’ai eu la chance de bénéficier du soutien du Codap et d’autres associations pour participer aux activités de plaidoyer liées à la promotion des droits des Peuples autochtones. Ayant récemment participé au Mécanisme d’Experts sur les Droits des Peuples Autochtones (MEDPA) à Genève, je voulais revenir sur l’engagement des autochtones et notamment de mon peuple, les Amazighs.
Les Amazighs vivent au nord de l’Afrique depuis plus de 3’000 ans. Selon les dernières découvertes, scientifiques et archéologiques, les traces du premier Homo sapiens, âgé de 350’000 ans, ont été retrouvées au centre du Maroc. Les Amazighs font partie des peuples autochtones et ils partagent une vision holistique connectée à la nature ainsi qu’un attachement spirituel à leurs terres ancestrales. Cette perception a impacté leurs relations avec les autres populations vivant dans la région. Leur mode de vie continue de marquer l’histoire de la cette région à travers leur gastronomie, leur architecture ou encore leurs techniques de gestion des terres, de l’eau, de la faune et de la flore.1
Le mot « Peuples autochtones » revêt une importance accrue. Il est passé par plusieurs étapes importantes d’évolution dans le droit international grâce au plaidoyer des autochtones auprès des Nations Unies. Le terme « populations aborigènes » est devenu « peuple autochtone » pour arriver à la formule « Peuples autochtones » que nous utilisons aujourd’hui. L’ajout de la majuscule et du s à la fin désigne à la fois l’importance du mot peuple, qui renvoie à l’identité, et la pluralité et la diversité des Peuples autochtones. Il n’existe aucune définition officielle du terme Peuples autochtones pour deux raisons. Premièrement, il n’est ni souhaitable ni nécessaire de définir ce terme de manière stricte étant donné que chaque peuple possède ses propres particularités et différences par rapport aux autres peuples autochtones. Deuxièmement, la souplesse dans la définition de ce terme met l’accent sur la volonté libre des peuples autochtones qui sont titulaires de droits et ont choisi eux même d’être appelé de la sorte.
La reconnaissance internationale des Peuples autochtones a connu un long parcours, commencé en 1923 avec la venue du Chef de la Ligue des Iroquois, Deskaheh, à Genève, en Suisse pour se rendre à la Société des Nations (ancêtre des Nations Unies) afin de plaider pour la reconnaissance de la souveraineté de son peuple. Son intervention a malheureusement été soldée par un échec mais elle marque le début de la lutte pour la reconnaissance internationale des Peuples autochtones. Leur inclusion dans le système international n’a eu effectivement lieu qu’un demi siècle plus tard, à la fin des années 1970, avec l’organisation de deux conférences majeures aux Nations Unies, une portant sur la discrimination contre les populations autochtones en Amériques et l’autres sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale.2
En ce qui concerne le Mouvement Culturel Amazigh – un mouvement de rassemblement des autochtones du Maroc – les liens avec la mouvance autochtone mondiale ne s’est faite qu’en 1993, à travers la Conférence mondiale sur les droits de l’homme qui s’est tenue à Vienne. Une délégation Amazigh était présente et a découvert les grandes intersections et similitudes entre le peuple Amazigh et les autres Peuples autochtones. Depuis, les Amazighs participent aux mécanismes spécifiques liés aux droits des Peuples autochtones de l’Organisation des Nations Unies de manière régulière. Le MEDPA est l’un d’entre eux. Il a été créé en 2007 et est composé de sept expert·e·x·s indépendant·e·x·s issu·e·x·s des sept régions socioculturelles autochtones : l’Afrique, l’Asie, l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud et les Caraïbes, l’Arctique, l’Europe centrale et orientale, la Fédération de Russie, l’Asie centrale et la Transcaucasie, l’Amérique du Nord, et le Pacifique. Cet organe fournir au Conseil des droits de l’homme des avis et des conseils techniques sur les droits des Peuples autochtones tels qu’ils sont énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples autochtones (DNUDPA3), et apporte une assistance aux États membres qui en font la demande pour la réalisation des objectifs énoncés dans la Déclaration. La dernière session du MEDPA s’est tenue à Genève en juillet 2024 et s’est consacrée à l’étude de l’arsenal juridique instauré et déployé par les États en application de l’article 38 de la DNUDPA.
- Plus d’informations dans l’article d’Hicham El-Mastouri – Afulay « Les savoirs traditionnels : Fierté des Peuples autochtones » paru au journal « Echos militants » numéro 1/2016, page 19. ↩︎
- https://www.docip.org/fr/histoire-orale-et-memoire/processus-historique/ ↩︎
- UNDRIP_F_web.pdf ↩︎